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Egon Schiele

Egon Schiele (1890-1918) et l’autoportrait
En quinze ans, Egon Schiele a réalisé une centaine d’autoportraits, un record dans l’histoire de l’art ! Il faut dire que le genre introspectif est à la mode chez les artistes expressionnistes, contemporains de la psychanalyse, et Schiele ne diffère en cela de Kokoschka, Spilliaert ou Ensor que par le nombre impressionnant des tableaux dont il est le modèle.
Il est vrai que le principal ornement de son premier appartement était un grand miroir, un cadeau de sa mère ! Voilà qui aurait intéressé Sigmund Freud.
Dans ses dessins, Schiele ne s’encombre guère d’attributs. L’être est nu, et souvent littéralement : le « déshabillage de l’âme » s’accompagne d’un « déshabillage du corps ». Portraits et autoportraits sont réduits à eux-mêmes, sans accessoires ni décor, seule compte la pose, théâtrale, grinçante, dramatique, torturée, toujours très expressive : Egon Schiele reste dandy (on dirait « classe » aujourd’hui) jusque dans ses impudeurs. Ses dessins sont souvent dérangeants, mais restent pour la plupart parfaitement soutenables. Il souffre somme toute avec beaucoup d’élégance graphique.
Egon Schiele ne semble pas beaucoup s’aimer lui-même – enfin, c’est en tout cas le message qu’il veut faire passer – ou alors il prend plaisir à torturer son double pictural ; il est sa propre marionnette, son « dopplegänger » (un sosie inquiétant de la culture germanique).
Cependant, on comprend mieux les tableaux d’Egon Schiele en les inscrivant dans le contexte particulier de Vienne en 1910 : l’expressionnisme ne concerne pas que les arts plastiques, et Schiele est un amateur de danse qui va aux spectacles expressionnistes (on parlait alors de « danse libre ») d’Isabella Duncan ou des sœurs Wiesenthal. Tout comme dans la pantomime (le célèbre mime Erwin van Osen fût l’un de ses meilleurs amis), le corps se casse, l’angle est préféré à la courbe, le geste est exagéré jusqu’à la caricature, le masque est tragique pour mieux personnifier le sentiment.