
Lee Miller

BIOGRAPHIE (source: transatlantica.revues.org)
Née en 1907 à Poughkeepsie dans l’état de New York, Lee Miller est considérée dès son enfance comme un objet à photographier. Sa beauté fascine et inspire son père, Theodore Miller, qui en fait son sujet privilégié. Elle pose, souvent nue, tissant ainsi par l’intermédiaire de l’appareil photographique une relation ambiguë avec son père. Sa sensualité brute est immortalisée par les plus grands photographes (Edward Steichen, Arnold Genthe et George Hoyningen-Huene) et elle devient le mannequin idéal de l’Amérique de la mode des années 20.
Lee Miller. Nude study, 1 july 1928 by her father Theodore Miller, Kingwood Park, Poughkeepsie, New York.
Via theredlist
Edward Steichen. Lee Miller modeling Marie-Christiane hat and dress and jewelry by Black, Starr and Frost 1999
Via Mutualart
Arnold Genthe. Lee Miller 1927
Via vam.ac.uk
Elle quitte les Etats-Unis en 1929 pour rejoindre Paris où elle rencontre Man Ray. Séduit par ses traits parfaits, il en fait son amante, son modèle, son assistante, son égérie — un objet de fantasme destiné à nourrir ses créations. Mais le contact avec le Paris surréaliste de l’époque va permettre à cette femme en apparence asservie à son image et aux désirs de ses mentors de se métamorphoser en femme libérée. Cette émancipation passe par les premiers regards qu’elle jette dans l’objectif. Sous l’influence du surréalisme, elle explore la solarisation avec Man Ray et continue à poser tout en s’initiant aux techniques du médium : elle occupe alors les deux côtés de l’objectif. Incarnant la « beauté convulsive » chère à André Breton, elle prend part à la déconstruction de l’image lisse d’elle-même immortalisée dans Vogue en se prêtant au jeu du démembrement dans Le Sang d’un Poète. Elle y incarne tour à tour une bouche, une sculpture et le destin qui s’adonne à une partie de cartes. La déconstruction de son image reflète la lassitude de Lee Miller face au rôle de poupée sculpturale qu’on lui a trop longtemps imposé. Elle affirme alors : « J’étais très belle. Je ressemblais à un ange mais, à l’intérieur, j’étais un démon ».En quittant Paris et Man Ray en 1932 pour retourner à New York, la jeune créature décide de prendre en main son existence et de devenir sa propre création. La créature va finir par dépasser ses créateurs.
La traversée de l’Atlantique est une métaphore de sa traversée du miroir : Lee Miller décide de percer la surface de sa propre image. A Paris, elle incarnait déjà l’ambiguïté, entre féminité et masculinité, non seulement icône de la sensualité, mais répondant aussi à un prénom d’homme et arborant une coupe à la garçonne. Comme un pied de nez aux canons de la féminité, elle n’hésitait pas à poser en grossière salopette de toile aux côtés de Picasso, comme le montre une des photographies exposées. Mais son émancipation réelle ne se concrétise que par son passage derrière l’objectif. Eloignée de son mentor surréaliste, elle énonce à New York son nouveau mode de vie : « je préfère prendre une photo qu’en être une », explique-t-elle à un journaliste américain.
En partenariat avec son frère Erik, elle fonde le studio Lee Miller à New York et répond aux demandes de clients tels que Vogue, des créateurs de mode ou des agences publicitaires. Sa pratique — volontiers espiègle voire décalée — de la photographie commerciale se double d’une quête identitaire. Elle fait partie de l’avant-garde des nouveaux photographes de talent et atteint une certaine renommée grâce à Julien Levy qui organise en janvier 1933 dans sa galerie la première exposition personnelle de Lee Miller.
Le médium photographique lui permet de donner corps à ses propres désirs en auscultant ce corps justement dont elle n’a pas eu la maîtrise jusque-là. Reprenant la thématique du démembrement du film de Cocteau, elle se déconstruit et se met en scène dans une démarche purement réflexive (‘Lee Miller par Lee Miller’). Cette ré-appropriation d’elle-même se traduit par des compositions surréalistes fidèles aux canons de la « beauté convulsive » hérités d’André Breton et de Man Ray. Ces images souvent érotiques (‘Nu penché en avant’), ou surprenantes (‘La Main qui explose’), voire violentes (Sein après ablation) sont autant de projections de ses états d’âme et de son goût pour la transgression. Après avoir été une inspiration pour de nombreux surréalistes, elle se montre elle-même inspirée dans une pratique cubiste du médium.
Sa quête d’identité et d’un nouvel espace de liberté se concrétise par des évasions multiples : elle a besoin de s’extraire d’elle-même pour mieux se retrouver et se ré-apprivoiser. Elle arpente le monde de ville en ville et s’évade d’homme en homme. Elle qui a vu trop longtemps son image maîtrisée par les photographes devient maîtresse dans tous les sens du terme — amante, elle acquiert la maîtrise de l’outil photographique et par là même de son corps et de son existence. La femme objet devient une femme sujet.
Les années 1930 sont marquées par de nombreux voyages qu’elle immortalise grâce à la photographie. En 1934, elle épouse à New York le riche fonctionnaire égyptien Aziz Eloui Bey et le suit au Caire. Sa pratique de la photographie se fait alors plus réaliste : elle enregistre différents aspects de la vie quotidienne dans ce pays et se lance dans la photographie de paysage. Néanmoins son regard onirique reste présent comme l’illustre son ‘Portrait de l’Espace’ réalisé en 1937. D’une photographie centrée sur elle-même, elle passe progressivement à une photographie ouverte sur le monde. L’autre et l’ailleurs deviennent de nouveaux champs d’exploration pour compléter sa quête identitaire.
Mais, en 1937, Lee Miller succombe à l’ennui et une nouvelle fuite en avant la pousse à revenir à Paris où elle rencontre le peintre surréaliste Roland Penrose. En juin 1939, elle quitte définitivement son mari et l’Egypte et rejoint Penrose à Londres.
La seconde guerre mondiale marque un tournant dans la carrière et dans la vie de Lee Miller. A Londres, elle obtient en 1942 son accréditation de l’US Army et est engagée en 1944 par Brogue, l’édition britannique de Vogue, comme correspondante de guerre. Cet engagement marque un véritable aboutissement pour Lee Miller sur le plan aussi bien artistique, que professionnel et personnel. Seule femme photo-reporter présente dans les zones de combats, elle se retrouve confrontée à des atrocités difficilement supportables sur lesquelles elle porte un regard brutal tout en conservant une empreinte incontestablement surréaliste. Des destructions du Blitz à la libération de Paris, en passant par les charniers des camps de concentration de Dachau et Buchenwald, Lee Miller se retrouve loin des sphères de la mondanité parisienne ou new-yorkaise et se lance à corps perdu dans le dévoilement de la banalité du mal. Dans des images qui sont parfois à la limite du soutenable, elle se concentre sur les bourreaux, dont elle « immortalise » les cadavres, plutôt que sur les victimes, et entend ainsi dénoncer la barbarie de la mentalité nazie.
Couvrir la seconde guerre mondiale lui permet de prendre conscience de sa propre guerre pour conquérir sa liberté en tant que femme et artiste. Dans ce face-à-face avec l’horreur, elle se révèle à elle-même. Devenir témoin de l’Histoire lui a permis d’être actrice de sa propre histoire et d’atteindre ainsi l’acmé de sa reconnaissance en tant qu’individu à part entière — femme et amante, mannequin et muse, artiste surréaliste, féministe, photographe voyageuse, photo-journaliste — les différents fils de sa vie se tissant pour dessiner une existence totale. La célèbre photographie de Lee Miller dans la baignoire d’Hitler réalisée par son ami David E. Sherman fait tomber le masque de la battante et restaure par la nudité la fragilité et la mélancolie qui ne l’ont jamais quittée
L’après-guerre se traduit pour Lee Miller par une tentative pour renouer avec un quotidien plus ordinaire. Elle rentre à Londres et épouse Roland Penrose en mai 1947 et donne naissance à Antony. Elle se détourne peu à peu de la photographie et s’installe avec sa famille à Farley Farm dans le Sussex en 1949. Après avoir été sur tous les fronts, elle se retire à la campagne et passe de la chambre noire à la cuisine. Lee Miller devient Lady Penrose et reçoit de nombreux amis et artistes, comme Picasso, essayant ainsi de retrouver une vie sociale insouciante.
Sa carrière professionnelle de photographe s’achève sur un travail de portraitiste avec ‘Working Guests’, une série de clichés réalisés dans sa demeure et montrant ses invités occupés à des tâches ménagères ou au jardin. Ce reportage publié en 1953 dans Vogue met un terme à sa carrière. La touche surréaliste et onirique de Lee Miller n’est pas absente de ces derniers clichés, comme en témoigne la photo de Saul Steinberg qui semble danser un ballet avec un tuyau d’arrosage au gré d’une chorégraphie toute en arabesques.
Elle meurt dans sa résidence d’un cancer en 1977.
Son fils, Anthony Penrose, a fondé les archives Lee Miller dans le Sussex et a publié plusieurs livres sur la vie et l’œuvre de sa mère.
Lee Miller. Max Ernst and Dorothea Tanning, photographed, Sedona, Arizona 1946
Lee Miller. Joseph Cornell, New York 1933
Via theredlist
Lee Miller 1930
Via sothebys
Man Ray. Lee Miller vers 1930
Via RMN
Man Ray. Lee Miller vers 1930
Via RMN
Man Ray. Lee Miller embrassant une femme vers 1930
Via RMN
David E. Scherman. Lee Miller in Camouflage 1941
Via theredlist
Man Ray. Lee Miller. Electricity 1931
Via theredlist
Man Ray. Portrait de Lee Miller 1930
Via theredlist
Theodore Miller. Lee Miller. Nude study, 1 july 1928 by her father Theodore Miller, Kingwood Park, Poughkeepsie, New York
Via theredlist
Lee Miller. Object by Joseph Cornell 1933
Via liveauctionners
Lee Miller dans « Le Sang d’un Poète de Jean Cocteau » 1930
Man Ray. Lee Miller vers 1930
Via RMN
Man ray. Lee Miller vers 1930
Via RMN